Dissertation: "qu'est-ce qu'un homme civilisé?"



Qu'est-ce qu'un homme civilisé?

Il paraît évident d'acquiescer que nous sommes des êtres civilisés et gratifiés par une culture bien revendiquée. Cette fierté provient du fait que nous appartenons en toute conscience à un groupe et que nous consentons à obéir à des lois communes régies dans l'intérêt de ce groupe. Ainsi nous revendiquons fièrement les mœurs de notre "civilisation" qui transparaît une connotation valorisante, comme une manière de façonner des hommes bien accomplis, achevés et évolués. Ce terme renvoie largement à celui de la culture, et n'est évidemment pas homogène à toute l'humanité. La culture rend elle l'homme civilisé? On sous-entend donc que dans notre universelle humanité, il y aurait des hommes civilisés ainsi que des sauvages. On peut ainsi se questionner sur le sens d'un homme civilisé et son lieu d'être. Ainsi nous chercherons tout d'abord en quoi un homme civilisé vit au-delà de sa et la nature, puis le façonnement de par la culture et enfin les effets et les impacts du processus de civilisation. 

Tout d'abord se pose la question de l'homme civilisé et son rapport à sa propre nature. Par son comportement et ses actes, on peut constater que l'homme civilisé n'est pas toujours en adéquation avec la nature. Il entretient une dimension démesurée avec elle. L'est-il avec sa propre nature? Nous examinerons les pensées d'auteurs pour mieux développer le rapport entre l'homme civilisé et sa nature que nous tenterons d'identifier. 
Premièrement, les hommes sont issus de processus naturels, mais il faut dire que nous nous démarquons des autres êtres naturels par notre comportement très éloigné de la nature. Depuis très longtemps, l'homme se proclame maître de la nature du fait de son savoir, et l'exploite à sa guise. Destruction de l'environnement, élevages intensifs, croisements génétiques: l'homme de nos jours agit contre le bien-être de la nature pour son propre profit. On constate donc l'une des différences primordiales qui le sépare des animaux. L'homme agit aussi parfois contre sa propre nature: il fume alors que cela génère des maladies et accélère la mort, il subit des greffes qui lui permettent de vivre plus longtemps. On peut donc dire que nous sommes des êtres biologiques et naturels mais nos compétences font que nous fabriquons des choses contre nature, et notre évolution détruit clairement la nature. Mais si nous les fabriquons avec nos compétences d'humains pourquoi ne seraient-elles pas naturelles? Parce qu'elles n'illustrent pas un aspect essentiel de notre nature et ne se retrouvent pas dans la nature même. On en déduit que c'est par ses actes et ses œuvres que l'homme devient civilisé. 
On peut donc demander à identifier la nature de l'homme. Dans la généralité, on peut dire que l'homme est un animal avec des instincts dotée d'une raison qui, à la différence de l'animal, n'agit pas par instinct mais dans un but de liberté. Rousseau disait à ce propos: "La nature commande à tout animal, et la bête obéit. L'homme éprouve la même impression mais il se reconnaît libre d'acquiescer ou de résister"
Ainsi on peut penser qu'à la base l'homme est sauvage, dépourvu de toute instruction et mu uniquement par ses instincts, il craint la douleur et ignore la mort, il vit dans l'instant et il ne se pose pas la question du devenir: il se rapproche de la nature animale, on peut alors le restituer à l'animalité: "Vouloir et ne pas vouloir, désirer et craindre, seront les premières et presque les seules opérations de son âme" dit ainsi Rousseau.
Mais pour passer du stade de sauvage à celui de l'homme accompli, on pense que la communication est nécessaire et permet une sortie de l'état de nature pour évoluer. On peut penser que sa façon d'être et ses comportements ont évolués et c'est ainsi qu'il passe de l'animalité à l'humanité. En effet, Aristote disait que l'homme est un animal rationnel doué de logos (parole et raison), la possession du logos le différencie des animaux et il n'est pleinement un homme que s'il use au mieux de sa raison. Il soutient que la nature ne fait rien au hasard, et donc si les êtres sont dotés de capacités comme la parole, c'est parce qu'ils en ont besoin car ils vivent en société et de ce fait s'exprimer et communiquer leur est essentiel. Certes, les animaux eux aussi communiquent, mais cet échange n'inclue pas de la pensée ni des idées. Ainsi Aristote justifie la parole comme propre à la nature de l'homme, elle serait donc régie par une vie sociale qui justifie sa faculté de parler comme moyen d'expression de ses pensées. Il réalise sa propre nature au sein de la vie sociale. Certains penseurs comme le Marquis de Sade ou Pascal, expliquent que l'homme provient de la nature et possède une nature mais cette dernière est dominée par la culture de sa société "Je suis l'homme de la nature avant d'être celui de la société" rappelle Pascal, et insiste sur la nature de l'homme avant le poids de sa culture. Ainsi Rousseau exprimé lui aussi une nature spécifique à l'homme, et explique qu'il est à la base ni bon ni méchant car il n'a pas de relations morales avec les autres et ignore tout du bien et du mal. Dans cette mesure, l'homme civilisé semblerait perverti par sa rencontre avec les autres hommes. C'est une défense du mythe du bon sauvage à travers l'innocence initiale qui serait une valeur primordiale dans la nature de l'homme: "Ignorer les vices l'empêche de mal faire"  soutient Pascal. Mais la culture dénature-t-elle l'homme?  Vercors, écrivain du XXe siècle, pense l'homme est dénaturé. Il faisait auparavant partie de la nature en tant qu'animal mais depuis a acquis des capacités qui découlent d'une évolution, qu'il symbolise par la conscience de soi et du monde, il s'y est détaché, et devient un être dépourvu de toute nature car il ne s'intègre pas dans la nature "L'animal fait un avec la nature, l'homme fait deux. Pour passer de l'inconscience passive à la conscience interrogative, il a fallu ce schisme, ce divorce, il a fallu cet arrachement. Animal avant l'arrachement, l'homme après lui? Des animaux dénaturés, voilà ce que nous sommes".  L'homme est devenu contre nature et de ce fait s'est dénaturé. Tous ces penseurs convergent sur le point: s'ils ne s'accordent pas sur le fait de sa nature, ils s'unissent à l'idée qu'il est polymorphe et est clairement intégré dans un système culturel: nos capacités bien différentes des autres êtres vivants nous poussent vers une évolution qui nous amène ensuite la culture. Pour Kant, nous avons le devoir de cultiver nos capacités, l'évolution en découle donc naturellement. Il reste maintenant à voir si cette évolution fait de l'homme un être civilisé, étant donné qu'il est un être de culture. 
Pour définir l'homme civilisé, il faut d'abord comprendre l'étymologie du mot. L'être civilisé fait partie d'une civilisation qui se caractérise par son lieu de vie car "civilisé" vient de "civis" qui signifie "personne qui jouit des droits de la cité". Mais son sens définit aussi la conscience d'appartenir à un groupe et le consentement à obéir à des règles communes dans l'intérêt de ce groupe. On peut ainsi prétendre à une évolution collective des hommes vers une civilisation. Si la culture est dans la nature de l'homme, on peut aussi définir ce terme: l'appartenance à un système social rationnel détermine la culture au sens large, c'est à dire l'ensemble des activités des objets et des croyances qui caractérisent l'ensemble d'un groupe, d'une ethnie ou d'une population. Aristote dit que la nature (au sens large) a produit la nature de l'homme, ce dernier ne devient un homme que dans son appartenance à une cité, on ne naît pas homme en tant que tel, on le devient en vivant dans un foyer sous l'autorité des lois et la conscience de la morale. La société fait de l'humain un homme.
 Mais il y a des hommes qui ne vivent pas en cité, ne profitent pas d'un système d'évolution collective, cependant ils restent hommes mais pour cette raison ne sont pas des hommes accomplis. Par exemple, Victor de l'Aveyron n'est pas un homme accompli parce qu'il ne présente pas les traits que l'on retrouve habituellement chez les hommes évolués mais reste un homme du fait de son appartenance à l'espèce humaine. 
Donc l'homme agit contre la nature par ses comportements excessifs, on comprend que sa nature est polymorphe. Il est clairement intégré dans un système culturel qui le fait évoluer de l'animalité à l'humanité. De ce fait, les hommes se regroupent et appartiennent à un système rationnel de vie en communauté, c'est de là qu'ils deviennent des hommes civilisés. 

Toutefois, nous entendons la civilisation comme liée à la culture, ce terme qualifie l'ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent une civilisation à la différence d'une autre. La culture prend le sens des sciences, des techniques et également la vie spirituelle propre à cette civilisation. Pour ainsi dire, là où il y a de l'activité, il y a de la culture. Ainsi cette culture façonne l'homme, il est déterminé par certains facteurs: l'homme est le fruit de la culture. 
En effet, la culture se porte dans l'éducation et les valeurs transmises au travers de celle-ci. Bien entendu, ces valeurs diffèrent selon les civilisations puisqu'elles sont propres aux différentes sociétés. On peut penser que l'homme est un être qui se façonne lui-même car rien dans la nature ne lui dicte un comportement humain. Mais depuis toujours il fait partie intégrante de peuples, et c'est pour cette raison qu'il est civilisé. Dès sa naissance, l'homme évolue dans un milieu convenu, il intègre des informations qui sont nécessaires à sa construction sociale. Selon un modèle propre à son milieu, il reçoit une première éducation par ses parents: ils lui enseignent des valeurs à la fois essentielles, on pourrait citer chez les chevaliers par exemple le courage et l'honneur, mais aussi propres à la famille, celles-là n'étant pas adoptées par tout le monde, où les parents du chevalier lui enseignent la fidélité et l'honnêteté par exemple. Puis dans certaines civilisations, il intègre une école, où on lui apprendra le respect par exemple. L'objectif de l'éducation est d'enduire l'homme d'une culture et de le façonner par ce biais, il appartient ensuite à la civilisation. Au travers des préceptes et lois de cette culture, l'homme se développe et évolue: "Le premier fait qui soit compris dans le mot civilisation, c'est le fait de progrès, de développement" appuie François Guizot. On peut dire que l'homme a réfréné ses instincts naturels par l'apprentissage d'une culture et d'une éducation. Ainsi nous pouvons commencer à marquer des différences entre certains mots, on peut supposer que l’humain diffère de l’homme par le sens, ainsi l'un est un être de culture tandis que l'autre est un être de nature. En effet, l'homme s'humanise par la discipline et l'instruction puis il s'élève par le savoir: c'est là encore un fait qui l'exclut de l'animalité. Mais l'éducation de l'homme se fait aussi hors du cadre scolaire et familial, la société l'éduque par des lois qui régissent ses libertés, devoirs et obligations, ainsi par cet apprentissage il incarne l'image de l'homme civilisé. La société transmet des valeurs comme la liberté, la reconnaissance ou l'altruisme auxquelles le citoyen s'identifie. Dans le traité de pédagogie, Kant explique que "la discipline transforme l'animalité en humanité", soutenant ainsi le fait que l'homme civilisé possède l'éducation et la culture de sa patrie. De ce fait, la culture fait évoluer notre façon d'être en la régissant par des principes communs. 
Mais l'éducation n'est pas le seul facteur qui détermine la culture qui fait de l'homme un être civilisé. Le langage est aussi une convention de la culture. En effet, il est propre à chaque civilisation et à des objectifs précis: faciliter les échanges au sein d'un même groupe et encrer les codes d'une culture.
Bien évidemment, les mots et les sens varient selon les cultures mais il est clair que l'homme civilisé possède une langue et un imaginaire linguistique propre à sa culture. Par exemple quand on me dit "argent" je peux penser au matériau ou bien à la monnaie, tandis que dans la langue anglaise "money" signifie seulement le moyen de paiement. Ainsi, si nous voulons apprendre les codes d'une culture, nous devons assimiler son langage pour en saisir l'essence. Selon Claude Levis Strauss, ce qui détermine un homme comme civilisé c'est le langage articulé qui permet d'échanger de la pensée. C'est pour lui le fait culturel par excellence, c'est d'abord une partie de la culture et également un instrument essentiel par lequel nous assimilons la culture de notre groupe. On retrouve ici l'une des fonctions primordiales du langage qui attache les hommes à leur culture. 
L'homme civilisé se caractérise donc par une langue convenue qui est pleinement le fruit de sa culture, 
Bien évidemment, l'histoire détermine également le statut de l'homme civilisé puisqu'il découle, lui et son éducation ainsi que ses lois et des droits, d'une histoire, celle de sa civilisation. L'histoire est étroitement liée avec la civilisation puisqu'elle en retrace les origines et façonne le citoyen: il est produit d'une histoire, elle a des conséquences directes sur lui et influence clairement la société à laquelle il appartient. La mémoire historique d'un peuple le fait vivre. Il est évident que le passé influe le présent et donc également les hommes qui sont tributaires de l'histoire, elle devient alors un pilier de la civilisation dans laquelle ils évoluent. De plus, les coutumes, elles aussi découlent de l'histoire, sont propres à une culture et le façonnent aussi. Par exemple, dans certaines sociétés, il est voulu de manger avec une seule main car l'autre est utilisée pour la toilette, cette coutume renvoie directement à des notions d'hygiène qui régissent la notion de civilité du pays: la personne qui respecte la coutume est civilisée. Freud insiste sur l'un des principes de l'appartenance à la civilisation, et parle de sécurité collective: "L'homme civilisé a fait l'échange d'une part de bonheur possible contre une part de sécurité", ainsi l'homme primaire échange sa liberté qu'aucune loi ne régit contre une sécurité collective déterminée par des lois. 
Ainsi, l'homme civilisé est un concept issu d'une histoire dont il tire les influences mais le différencie clairement de la nature. Comme le dit Merleau-Ponty: "L'homme est une idée historique et non pas une espèce naturelle", on peut penser qu'il n'est pas naturel du fait de ses capacités qui l'emmènent à devenir contre-naturel. Le mot idée rappelle que l'homme est conscient et qu'il pense, il réfléchit et que par cela il se démarque du reste de la nature. Par ces mots, il confirme que l'homme est fruit d'une histoire et donc d'une civilisation, il est donc plus civilisé par sa culture que naturel. 
Enfin, l'homme civilisé est le fruit d'une culture qui le détermine par trois grands piliers: son éducation, sa langue et son histoire dont il est tributaire. Il est façonné et évolue dans ces conditions convenues, il passe ainsi du stade "animal" à "humain". Cette culture crée alors son identité, elle aussi fruit d'une culture puisque l'identité de l'homme est façonnée par les mœurs de la société, ainsi mon identité est française et je porte en moi la culture de mon pays. L'homme civilisé possède également un nom, à la grande différence des animaux ou des hommes venant de sociétés très primitives. 





Si l'on peut s'accorder sur le fait que l'homme est un être civilisé, il reste néanmoins la question des effets de cette civilisation sur l'homme. Quels sont ses impacts et qu'apporte t-elle à l'homme? Nous pouvons à présent nous questionner sur son sens et son utilité mais nous pouvons également la remettre en question par ses contradictions qui la rendent relative. 
Comme nous l'avons dit, l'homme civilisé porte en lui les valeurs qui composent l'essence de sa société, relatives à chaque civilisation. Pour démontrer cette relativité, nous étudierons le cas de notre civilisation française puis celle d'une autre civilisation et verrons si leurs différentes mœurs peuvent changer le titre de peuple civilisé. Rappelons-nous qu'un homme civilisé est avant tout une personne qui jouit de la civilisation en participant au mode de vie conforme à l'idéal de celle-ci. Dans un premier temps, considérons le cas de notre société française: pour nous, être civilisé signifie porter les valeurs de la France et vivre conformément selon ses lois. Une personne française est forcément civilisée car elle appartient au système français et est façonnée par sa culture. Si nous voulons jouer sur le sens du mot "civilisé", bien que la personne appartienne à cette culture, elle peut avoir un comportement non civilisé, qui correspond alors à la notion de "citoyen non exemplaire". Si un français se promène nu dans la rue, il présente une attitude non civilisée car il montre des codes sociaux qui n'appartiennent pas à ceux de la culture française, quoi que lui-même soit totalement considéré comme un homme civilisé du fait de son identité française. 
Mais à présent prenons le cas d'une civilisation dont les mœurs différent totalement des nôtres. La civilisation viking s'avérait reposer sur des principes totalement différents, mais les personnes qui appartenaient à ce groupe étaient tout autant membres d'une civilisation que nous sommes citoyens français. Mais leur civilisation prônait des valeurs très différentes, ainsi leur éducation n'était pas la même, de même pour leur langue, leur histoire, leurs coutumes. De notre point de vue, nous les considérons comme archaïques et brutaux car leur société ne présentait pas les mêmes codes. Nous ne pouvons les admettre comme des hommes civilisés dans le sens étroit du terme, du fait de leur société trop éloignée de nos mœurs, mais dans le sens large, il serait juste de dire que les vikings étaient des hommes civilisés. Nous pouvons encore démontrer la relativité du terme d'homme civilisé en remettant en question les contradictions dues à son sens et son application. 
En effet, nous nous disons civilisés du fait de notre culture et de notre technologie mais au final nous nous en servons pour bombarder et régler brutalement des conflits. Il s'avère que d'autres peuples bien plus primaires vivent dans le respect. Cette attitude reste paradoxale au regard des jugements que nous portons sur les coutumes différentes des nôtres parce qu'elles sont issues de fondements plus primitifs ou brutaux. Comment considérer ce contraste? Sommes-nous réellement civilisés si nous ne respectons pas les fondements mêmes de ce qui constitue l'essence de la civilisation et du citoyen? "On assassine des gens, et on nous le montre que lorsque tout est fini. Si c'est cela la civilisation, je vous demande un peu ce qu'est la barbarie" dit Alice Parizeau, ici en dénonçant la contradiction entre les valeurs républicaines et les horreurs que nous avons provoquées- et provoquons encore- dans le monde. Sommes-nous réellement des hommes civilisés, ici dans le sens étroit, nous nous permettons de tuer alors que notre société nous l'interdit? Nous perdons alors le second sens du mot, car malgré ça, nous restons des êtres appartenant à la société française. Il faut aussi dire que des actes sauvages et barbares peuvent être effectués dans le cadre de lois d'une société comme ce fut le cas de la seconde guerre mondiale lorsque les nazis ont précipité la mort de millions de personnes sous prétexte de leur religion.
Si à nos yeux cela leur enlève le titre d'honnêtes gens, ils restent des hommes civilisés du fait de leur appartenance au groupe allemand. Comme dirait Montaigne, "Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage", marquant alors les jugements au travers de nos différentes cultures, le barbare est un étranger or leurs coutumes nous le sont et de ce fait ils nous apparaissent comme barbares. La civilisation dans son sens large est universelle tandis que son sens aigu est relatif aux différents fondements de nos sociétés. C'est l'ethnocentrisme qui nous pousse à se voiler la face et à ne pas voir nos erreurs, de même que pour nos propres contradictions. Dans nos sociétés très avancées, nous avons parfois tendance à retirer l'humanité aux peuples qui nous apparaissent comme barbares, parce qu'ils possèdent des mœurs violentes ou brutales, mais en marquant ce genre de comportement nous leur empruntons une de leur attitude typique. Montesquieu explique dans les lettres persanes "On est tenté de considérer sa civilisation comme la seule concevable" et reprend par ces mots le terme d'ethnocentrisme, c'est à dire la tendance à prendre comme référence sa propre culture ou son propre groupe social et à privilégier ses normes sociales en les valorisant, toutefois considérées comme supérieures. 
De plus, les valeurs communes sont revendiquées comme piliers de la civilisation et forment au mieux les hommes civilisés. Il est par là entendu que les hommes doivent être dignes des valeurs de leur civilisation. Encore une fois, ces valeurs sont relatives selon les peuples mais elles restent inculquées dans un même objectif, celui de créer un groupe où règne le vivre ensemble, ainsi les individus sont régis par une morale à la fois collective, du fait des lois, mais aussi individuelle, fruit de leur éducation et de leur propre raison. Ces valeurs sont aussi le fruit d'une tierce école, laquelle on pourrait nommer "l'école de la vie", propre à chacun. Les valeurs communes sont donc créées par la société, elles ont une emprise directe sur le comportement des citoyens puisqu'elles agissent sur sa morale. On peut également penser qu'elles agissent directement sur le mental du citoyen en régissant ses interdits sociaux, ce que dans le vocabulaire freudien nous appelons "le surmoi" de l'inconscient. C'est une partie de l'inconscient sur laquelle les valeurs et les restrictions de la société pourraient agir en créant des interdits et des tabous sociaux, la personne est alors influencée inconsciemment et ces valeurs possèdent une directe emprise sur elle. Elle intériorise les règles de la société. Le citoyen doit alors respecter les valeurs et la morale propre à sa civilisation pour en être digne. Ainsi ces facteurs influent sur une mentalité propre au peuple. Par exemple en France, outre la devise française et ses trois valeurs, on accorde grande importance au respect et à la morale. Ces deux valeurs sont primordiales et entretiennent la connotation positive du terme "civilisé" dans l'inconscient collectif français (c'est encore une fois un petit tour de l'ethnocentrisme). Dans les cultures européennes, le but spécifique de la civilisation est d'aboutir à un respect collectif au sein de la nation et une morale contribuant au respect. Les civilisations regroupent les hommes au sein d'une même de mieux vivre ensemble et de se créer une identité, principe d'individualisation, pour au final se regrouper autour de mêmes valeurs dans un but d'identification et de reconnaissance mutuelle. Bien sûr, cela n'exclut pas que l'homme civilisé s'enrichisse au travers d'autres cultures de la sienne. 
Mais à travers son éducation, son histoire et ses valeurs la civilisation tend à élever les hommes vers un idéal propre à celui de la société. C'est là son grand et dernier objectif. Ainsi se crée dans l'inconscient collectif un idéal, plus au moins différent pour chacun mais toujours en tension vers l'élévation et le surpassement. L'homme civilisé connaît un idéal propre à lui mais c'est quand même le fruit de sa culture, il s'efforce à se construire autour de cette représentation.
Un homme civilisé a donc un idéal vers lequel ses forces convergent. La civilisation a aussi une fonction de développement de l'individu: l'homme civilisé se construit autour de son idéal. Alexia Carrel illustre ce propos "La civilisation a pour but, non pas le progrès de la science, mais celui de l'homme". Ainsi l'objectif de la civilisation est aussi d'assurer un développement de l'homme dans un sens moral et spirituel afin de créer les meilleurs êtres possibles dans le point de vue subjectif de chacune des sociétés.
La civilisation viking voyait le citoyen exemplaire comme un courageux combattant au service de sa nation tandis que l'idéal au moyen-âge était d'être un chevalier. Pour Hegel, l'homme progresse et son ultime objectif est de devenir un homme rationnel. Ce dernier serait une construction de l'histoire, fruit de sa civilisation, il serait alors parfaitement logique, raisonnable et raisonné. C'est une vision subjective des objectifs de la civilisation. La civilisation a donc un rôle de motivation pour l'homme mais lui donne aussi une idée d'un idéal à atteindre et donc l'amène à respecter ses propres conventions sociales, morales, juridiques et politiques. On peut donc dire que le terme d'homme civilisé est premièrement relatif car son sens varie d'une civilisation à l'autre, il unie les citoyens autour de valeurs communes qui donnent ainsi le sentiment d'appartenance au groupe, et enfin il crée un idéal auquel tend le développement et la construction de l'homme civilisé. 

Pour conclure, la nature polymorphe de l'homme l'intègre naturellement dans un système culturel qui le fait évoluer de l'animalité à l'humanité. Ils deviennent civilisés du fait de leur vie en communauté, où la culture spécifique le déterminé par trois grands piliers: son éducation, sa langue et son histoire dont il est tributaire. Cette culture crée alors son identité. L'objectif unificateur de la civilisation regroupe les hommes civilisés autour d'un sentiment d'appartenance à un groupe et ils se développent ensemble. 
Enfin, l'homme civilisé reste un être issu de processus naturels, il y a encore une partie de nature en lui, dominée par sa culture. Merleau-Ponty dit à ce sujet "Tout est fabriqué et tout est naturel en l'homme" et récuse l'opposition entre la nature et la culture et montre que ces notions sont compatibles. Et donc si tous les hommes sont fruits de ce même processus, ils sont faits de la même manière même s'ils aspirent pas aux mêmes cultures, ils forment ensemble l'humanité, c'est une seule et même famille, comme dirait Jean Jaurès "Au fond il n'y a qu'une seule race: l'humanité". On peut aussi reprendre les idées de Montaigne et parler d'une civilisation universelle où l'on prônerait les mêmes valeurs comme la dignité propre et morale, elle n'appartient à aucun peuple mais constitue l'humanité comme un ensemble des êtres sensibles et raisonnables qui se respectent. C'est l'idée de citoyen du monde. Ainsi nous pouvons nous demander s'il serait juste de penser cette idée de citoyenneté universelle comme potentielle ou bien si ce n'est qu'un concept utopique, du fait que certaines civilisations sont incompatibles et ne peuvent pas vivre ensemble. 

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